Communiqué : La justice met un premier coup d’arrêt à l’opération Wuambushu

Communiqué : La justice met un premier coup d’arrêt à l’opération Wuambushu

27-04-2023

 La juge des référés du tribunal judiciaire de Mamoudzou à Mayotte, a mis un coup d’arrêt à l’opération Wuambushu. Douchant les ardeurs préfectorales et ministérielles, la décision constate que ces démolitions constituent une « voie de fait », autrement dit « une exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision portant atteinte au droit de propriété ».

La justice met un premier coup d’arrêt à l’opération Wuambushu

Marquant le coup d’envoi de la sinistre chasse à l’homme lancée par le gouvernement à Mayotte, les toutes premières démolitions d’habitations devaient débuter le 25 avril dès 6 heures du matin à Koungou, au lieu-dit Majicavo Koropa Talus II. La juge des référés du tribunal judiciaire de Mamoudzou y a mis un coup d’arrêt. Le 24 avril, elle a « ordonné au préfet de Mayotte de cesser toute opération d’évacuation et de démolition des habitats ».

Douchant les ardeurs préfectorales et ministérielles, la décision constate que ces démolitions constituent une « voie de fait », autrement dit « une exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision portant atteinte au droit de propriété ». En l’occurrence, le préfet entendait faire détruire, sans distinction, tout un ensemble d’habitations indissociables les unes des autres en raison de leur fragilité structurelle qui en fait une sorte de mikado, alors même que le tribunal administratif avait déjà suspendu son arrêté de démolition pour 17 d’entre elles, dont la destruction par ricochet était donc nécessairement irrégulière.

Mayotte souffre d’un déficit chronique de logements sociaux de sorte que les familles qui doivent être relogées n’ont aucune assurance de pouvoir bénéficier d’un logement digne à l’issue des opérations. De même, les biens meubles qu’elles ont pu accumuler pendant des décennies et sur lesquels elles ont investi toutes leurs économies sont voués à la destruction, faute pour l’État de proposer des solutions de stockage adaptées pour chaque famille, provoquant ainsi l’extinction de leur droit de propriété et les appauvrissant encore plus.

Pour la première fois, la justice reconnaît le droit de propriété des biens meubles aux occupants sans droit ni titre de logements informels.

Les déclarations martiales des autorités, qui entendent imposer par la force un programme de destruction laissant des milliers d’habitants dans la plus grande détresse se heurtent donc au rappel des exigences du droit.

En ordonnant en outre au préfet de Mayotte « de mette à disposition des habitants des lieux de stockage pour la préservation de leurs biens » et « de proposer des solutions de relogement adaptées aux familles concernées », la juge des référés rétablit l’ordre des priorités. Elle impose la seule alternative acceptable aux bulldozers et aux escadrons de CRS, unique crédo d’une administration qui n’hésite pas à brutaliser les plus précaires pour asseoir son autorité.

Mauvaise réponse à la misère qui gangrène Mayotte, le choix de la force pour priver des familles de leurs logements ne peut que l’aggraver. Le gouvernement doit mettre un terme à l’opération Wuambushu.

La décision de justice a provoqué la colère du collectif des « citoyens de Mayotte » qui appelle à la guerre civile et vise nommément devant les media locaux l’une des membres de la délégation d’avocat·es, accusée par ce collectif de nourrir une vengeance personnelle contre les Mahorais, impliquant nos organisations dans ses accusations haineuses. Ces mêmes propos ont été tenus par la députée de Mayotte Estelle Youssoufa la veille de la décision. Et ce alors que nos organisations et les avocat·es de la délégation ont en charge la défense de nombre de Mahorais qui habitent le bidonville de Talus 2, dont la démolition ne respecte pas la loi comme les juges administratifs et judiciaire l’ont constaté.

Nous ne céderons pas aux menaces. La défense des droits des personnes les plus vulnérables est une obligation face à la barbarie.

25 avril 2023

Signataires :

  • Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
  • Groupe d’information et de soutien des immigré⋅es (GISTI)
  • Syndicat des avocats de France (SAF)